VU à la TV

Pour faire suite à « Histoire d'un mec » & « Bilan de la catastrophe » mais aussi prolonger un échange avec une gentille madame sur le net...

Extrait de conversation sur FB à propos d'une variante du dessin ci-dessus publiée là-bas... 

 => belle mise en couleurs ! Tu pourrais peut-être proposer tes talents à des entreprises locales ?

 => Bof, j'ai essayé de proposer mes talents... On veut pas d'un merdeux autodidacte... Pour faire de l'art faut avoir bac + et parler couramment des langues et être reconnu par l'académie, sinon on te regarde comme une merde... Tu parles, un prolo à peine doté d'un CAP qu'est-ce qu'il va prétendre !

De cela est parti toute une cogitation, un come-back sur ma vie d'artiste approximatif...

Je l'ai omis dans « Histoire d'un mec », j'ai même été intermittent du spectacle et... Vous m'avez même vu à la TV... C'est un domaine où je n'ai pas percé. De toute façon, à part mes grolles je ne vois pas trop ce que j'ai percé dans la vie.

« Vu à la TV » ça en jette hein ? J'vais vous dire : moi quelque part ça m'emmerde. Même si cette référence j'ai su l'utiliser quelques années après pour gagner honnêtement un peu de fric et faire face ainsi à des problèmes majeurs. Les problèmes et moi c'est récurent. Normal c'est ainsi que vous projetez l'existence : Darwinistes sociaux inconscients ; TOUS ; que vous soyez communistes, socialistes, fascistes, peu importe quoi... Catholiques, bouddhistes, musulmans... Tous vous impliquez que « vivre ça se mérite » et qu'il faut « se battre » donc faire la guerre à tous les autres pour avoir une place au soleil. C'est pour ça que les handicapés par exemple, ont tant de mal à faire entendre leur droit à l'accessibilité et naviguent en zone floue entre votre mépris et votre pitié.

Il est des handicaps visibles, et d'autres invisibles. Ces derniers induisent une différence perceptible, une distance par rapport à ce que vous tenez pour la norme qui n'est qu'une moyenne. De nos jours, « normal » a remplacé « moyenne » au point qu'en météo même, on appelle « normale saisonnière » ce qui est une moyenne en réalité. Moyenne parce qu'en terme de météo vous ne trouverez jamais le même temps exactement à date identique d'une année par rapport à une autre et ceci sur des millénaires. Il en va de même des comportements et personnalités. Il y a la grosse masse du moule plus ou moins contraint par les modes du temps et puis les « excentriques » comme vous les appelez. La prétendue excentricité étant relative puisque appréciée différemment d'une époque à une autre.

Ça fait des décennies que ça a commencé ma différence... L'art était chez moi une pulsion naturelle...

(une autre de mes créations)

A la maternelle déjà, et sans doute avant, j'adorais jouer avec les couleurs, les formes... On trouvait ça mignon et on me trouvait trop curieux de tout parce que j'essayais de comprendre, saisir et remettre en question les choix qu'on me proposait. Déjà on me trouvait « différent » et déjà je pratiquais l'anguille à cause de contrariétés graves qui enverraient peut-être leurs auteurs en prison de nos jours. Dès la maternelle j'ai subi des trucs pas racontables... On s'étonne après que je sois devenu solitaire.
J'adorais la musique, la nature, la peinture... Quand la maîtresse jouait du piano je me coulais tout contre le bois vernis pour capter toutes les vibrations. J'écoutais le phono dans un silence religieux. Nous n'avions pas de ça à la maison où le chant même était un grand absent. Quand j'essayais de chanter on me disait que « ça ressemblait à un goret qui a la queue prise entre deux portes », au lieu que de m'aider à cultiver ma voix, ou au moins essayer, ce que nous avons fait à notre gamin. Au fil du temps j'ai renoncé à chanter, et même à rire pendant longtemps. Mais le dessin, qui ne nécessitait pas de partenariat, j'ai essayé, sans aide, sans cours véritables, d'y travailler un peu...
Il m'est revenu une scène du CP qui a fait resurgir tout un contexte. Les autres de la classe dessinaient comme n'importe quel gamin : la maison c'était un cube avec un triangle dessus et deux traits figurant la route aboutissant au rectangle sensé être la porte. 
Moi je n'étais pas satisfait et je fouillais les moyens de représenter au mieux le monde tel que je le percevais. Dès cet âge tendre j'inventais des moyens de rendre la perspective, le volume. La route, la rue ne menaient jamais directement à la porte mais passaient devant ; voire devant une cour ou un jardin dans lequel il y avait une allée. J'eus du mal à introduire cette représentation de muret, de barrière, mais j'y parvins. Les fenêtres avaient des carreaux, des rideaux derrière, des contrevents... La cheminée ne fumait pas toujours... Pour dessiner un arbre je commençais par un arbre branchu puis j'ajoutais des bouquets de feuilles, voire des feuilles une à une... Un moustachu je commençais par le représenter glabre avant de lui coller une moustache. Du coup j'avais du mal à terminer dans les temps et on me le reprochait. On fini par me persuader que mes efforts étaient inutiles et que c'était pas terrible et que de toute façon il fallait que je m'intéresse à des choses sérieuses. 

(Une autre... d'après photo complètement transformée)

Des années plus tard, au temps de mon nomadisme, j'ai repensé à tout ça mais j'avais beaucoup perdu la main. Alors j'ai inventé une méthode de calques qui me permirent de produire des œuvres originales que je vendis à la sauvette... Ce qui me permis de survivre, et même de vivre à certains moments puisque sur la cote méditerranée je n'ai couché à la belle étoile que quand je l'ai voulu... Je dormais à l'hôtel à la moindre pluie un peu forte... Comme quoi ça payait. Lorsque j'eus enfin posé mon sac, je proposais mes œuvres à des journaux... Personne n'en voulait. J'en ai bien eu une poignée dans deux ou trois fanzines plus ou moins militants... Mais ça nourrit pas son homme et ils avaient le don de palper les bénefs sans que moi je reçoive même un caouah en remerciement. Vous verrez qu'en carricature politique j'ai su transposer mes techniques tout aussi bien... J'ai caricaturé à peu près tous  les "leaders en vue" de toute tendance... Y compris Nicolat Hulot et Eva Joly.

Déçu je suis retourné à mes boulots de merde... Bien plus tard j’appris l'informatique dans divers aspects contre l'avis des ANPE et je postulais pour un stage d'infographie. Un malheureux coup du sort me fit arriver à la bourre à l'épreuve de sélection et ce fut coulé pour moi. Je n'ai jamais pu rattraper le coup. Mais parce que passionné j'ai cultivé l'art du logiciel graphique en solitaire. J'y retrouvais sous forme électronique la technique des calques que j'avais imaginée en production papier des années plus tôt. De nombreux blogs furent des moyens d'expression de 10 % de ce que j'ai produit et dont le dessin dont il est question au début n'est qu'une pâle expression par rapport à mes capacités... Parce que je censure tout ce qui pourrait porter à « dérapage interprétatif » dans notre monde de pensée unique et formatée. Même dans mon réseau y'a pas que des crèmes. J'ai d'ailleurs viré pas mal de gens qui partaient en couilles dans leurs délires. D'autres je les ai gardé, mais j'ai des raisons pour ça...

J'ai proposé mes créations, y'a même eu des braves pour tenter d'en faire la promo... Tout ce à quoi j'ai abouti c'est de retrouver quelques unes de mes œuvres, comme quelques unes de mes photos aussi ; un autre domaine qui m'intéresse et là on m'a mis des bâtons dans les roues à toute tentative de formation ; sur des sites qui se les attribuaient... Jusqu'à Canal Décharge qui fut victime du processus !

Alors s'imaginer qu'à 57 piges, malade et sur la touche, je vais percer dans ce domaine, c'est rêver debout.

Je suis cet éternel « manquait plus qu'ça » à jamais méprisé par les « gens bien », au handicap invisible. Et je finirai une balle dans la tronche pour ne pas vous laisser le loisir de me faire payer ma marginalité davantage. J'ai suffisamment vu comment on est considéré par les toubibs quand on est « différent »... ce sont des hommes, comme vous.Ils projettent leurs certitudes sur l'autre et ne l'écoutent pas. Ne me provoquez pas sur ce terrain : j'ai des preuves documentées. Ce sont des gens biens, je suis une merde et je finirai à la tinette... Vu la situation financière, je ne crois pas que j'attendrais très longtemps. Ma moitié croit qu'on va s'en sortir ; je vais être franc : j'y crois plus. Elle a des projets, je souhaite qu'ils réussissent mais moi, ma propre vie, je navigue à vue. On laisse pas des gens sur la touche des années pour leur donner soudain leur chance. Sauf peut-être en échange d'une humiliation suprême, d'une pipe peut-être? Et encore, ce ne sera que rogatons, lot de « consolation », misère minable.
En tous les cas si on en sort, ça ne sera sûrement pas grâce à une de mes capacités artistique ou autres...
Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi je dis « si » puisque le mois prochain c'est cuit, RSA ou pas, et tous calculs faits... Allez voir les articles que j'ai mis en lien en début de papier et visitez donc leurs liens intégrés, vous verrez... Je suis le mat, tel que je me représente ci-dessous. Je suis la carte improbable et sans nom qui fait s'écrouler tous les échafaudages de toutes les illusions, y compris les miennes d'ailleurs. Seul un miracle pourrait transformer la donne. 
Il y a 40 piges j'ai sauvé la peau de toute ma famille... en mai ou juin... Plus tard on m'a dit "aurait pu mieux faire"... C'est vrai, j'ai pas fait exactement tout comme il fallait... J'avais 16 piges ou 17 je sais plus et j'ignorais tout... Sauf bosser, jamais assez bien d'ailleurs. Ca a infléchi tous mes choix et projets. Ce jour là j'ai mis le deuxième pied à distance des hommes. Ca ne se voyait pas encore... Ca s'est vu quand j'ai compris que le français ne voit pas plus loin que la calandre de sa bagnole. On glose sur le racisme... Je vais vous dire : y'a pas besoin de venir de Tombouctou pour subir le racisme... Suffit de "pas être de là", suffit qu'on connaise pas tes ancêtres depuis cent ans. Sinon on t'entasse dans un ghetto sans âme. Et surtout fais pas de vagues... Te pose pas de questions. Sois coco quand c'est la mode, FN quand c'est la mode, pense pas tout seul, pense comme les autres et surtout, surtout, vénère le foot et la bière, les jeux olympiques et la TV. Ne parle pas d'autre chose, il t'en cuirait !

C'est sans importance. Des milliers d'humains, des millions, disparaissent de la circulation chaque jours. C'était y'a 57 ans qu'il fallait m'accepter. Il est trop tard.

Comments

[Marine]

Bonjour,

Je me reconnais un peu dans votre profil,

un livre (au titre à la con) m'a permit de comprendre beaucoup de choses :

Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués, éditions Payot (2007)